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   Autre source de revenu pour les nomades : avec leurs chameaux, ils transportent à la gare d'embarquement l'alfa mis en balles. Tout est donc profit pour eux : cueillette, manipulation et transport.
Mais il n'y a pas de profit que pour les travailleurs indigènes. Sur 4 millions d'hectares en effet, 50 à 60.000 seulement appartiennent à des particuliers; le reste, c'est­à-dire la presque totalité, est la propriété des communes ou de l'État. Les peuplements sont concédés à des négociants, qui versent une redevance au propriétaire : concessionnaires, communes et État, travailleurs indigènes trouvent donc leur profit dans l'exploitation de l'alfa. Et l'on doit également compter, parmi les bénéficiaires, les chemins de fer, qui acheminent jusqu'à la côte l'alfa récolté, les dockers qui le chargent sur les navires : toute une partie de la population se partage les 85 millions que représentent les exportations.
 
Les peuplements d'alfa, cependant, ne sont pas entière­ment exploités. De vastes espaces, en effet, trop éloignés des chemins de fer, n'ont pu encore être mis en valeur. Ce n'est qu'à proximité des lignes de pénétration d'Oran à Crampel, d'Arzew à Colomb-Béchar, d'Alger à Djelfa et de Constantine à Biskra qu'existent les principaux chantiers de récolte; hors ces contrées, de vastes régions sont inexploitables.
Quoi qu'il en soit, les peuplements exploités fournissent à l'exportation plus de 200.000 tonnes de produits. Lorsqu'il s'agit d'alfa, on ne saurait en effet tenir compte que de l'exportation. C'est l'extérieur en effet qui constitue la principale clientèle des chantiers algériens, on pourrait même dire la seule.
 
La consommation locale est, pour le moment du moins, pour ainsi dire nulle. Tout au plus se réduit-elle à quelques milliers de tonnes employées par l'industrie familiale indigène pour la fabrication de nattes, de chapeaux, de sandales, d'escourtins, de couffins et d'objets divers de vannerie et de sparterie, par quelques usines européennes pour la production de cordages, de tapis ou de tissus grossiers, de crin d'alfa utilisé comme succédané du crin animal.
Son emploi le plus répandu est la fabrication de pâte à papier; c'est cette industrie qui fait la véritable valeur de l'alfa d'Algérie. Le papier d'alfa est souple; soyeux, résistant; très léger, très bouffant, il prend bien les caractères d'imprimerie. Mélangée en proportions variables avec les pâtes de chiffons, de paille ou de bois, la pâte d'alfa peut donner lieu à des milliers de combinaisons d'une grande valeur et d'une excellente qualité.
      

Longtemps le monopole du papier d'alfa fut détenu par l'Angleterre qui achetait à l'Algérie la majeure partie de sa production : bénéficiant de tarifs de transport par mer excessivement bas, elle avait sur l'industrie française un avantage très sérieux, car l'alfa, marchandise pauvre, ne peut supporter des frets coûteux. L'industrie anglaise nous revendait les papiers qu'elle produisait, à des prix élevés, car le papier d'alfa fut longtemps considéré comme papier de luxe.
 
Des essais de fabrication furent cependant tentés en Algérie, dés 1906; repris après la guerre, ils durent être abandonnés. On se heurtait en effet à deux obstacles : le manque d'eau, d'abord, et surtout d'eau pure, car la fabrication de la pâte en exige de grandes quantités; en second lieu, le prix de revient trop élevé, sur les lieux de production, du combustible et des produits chimiques.
 
Tout infructueux qu'ils eussent été, ces essais ne pouvaient laisser indifférente l'industrie papetière française. Obligée d'acheter à l'étranger à des prix excessifs les matières premières qui lui étaient indispensables, elle ne pouvait qu'être tentée d'utiliser l'alfa, produit de tout premier ordre, que l'Algérie, la Tunisie et le Maroc lui offraient en abondance.
 
Dés 1920, l'idée séduisait un groupement de papetiers et de fabricants de produits chimiques de la Métropole. Une société était créée, à qui d'importants gisements alfatiers étaient concédés dans la région de Djelfa. La fabrication de pâte commençait en 1924 dans une ancienne poudrerie de la vallée du Rhône. L'industrie du papier d'alfa devenait une industrie française.
Actuellement la Société en question met en œuvre 20 à 30.000 tonnes par an d alfa algérien et tunisien et produit une quinzaine de mille tonnes de pâte. Ce n'est pas encore autant que la production anglaise, mais le premier pas est fait.
 
Sous cette impulsion, les exportations algériennes vers la Métropole passaient de 900. tonnes avant la guerre à 9.000 en 1924; elles dépassent actuellement 22.000 tonnes. De 0,7% des exportations totales en 1913, elles en représentent aujourd'hui les 17 %.
 
Suivant l'exemple qui leur a été donné, d'autres papeteries françaises commencent à traiter l'alfa; ce mouvement économique paraît avoir toutes les chances requises pour s'intensifier davantage.

 
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