|
Et ce qu'il faut noter, c'est que . les pâtes françaises d'alfa
ont non seulement conquis le marché français, mais qu'elles
s'imposent de plus en plus, par leur qualité et par leur prix
relativement faible, sur les marchés étrangers, allemand, suisse
et même anglais.
II - Le crin végétal
Il nous faut maintenant revenir dans le Tell. C'est là que nous
trouverons exploité, par une importante industrie, le palmier-nain,
matière première du crin végétal.
Tandis que l'alfa se plaît dans les régions pauvres, sous un
climat sec, dans des sols arides, c'est dans les terres les plus
riches du Tell que nous rencontrons le palmier-nain.
Seul représentant spontané, en Algérie, de la famille des
palmiers, le palmier-nain constitue des bouquets, ou plus exactement
des touffes très épaisses qui allongent et enchevêtrent leurs
racines jusqu'à une très grande profondeur dans le sol. Il atteint
un à deux mètres de hauteur, sept à huit mètres lorsqu'il n'a
pas été coupé.
Comme il occupe les meilleurs sols, il est un obstacle pour la mise
en valeur du pays, le grand ennemi de la colonisation. Il faut
l'arracher, extraire à grand'peine les souches. L'indigène ne s'en
embarrasse pas : lorsque, dans son champ, existe une touffe de
palmier-nain, il la respecte soigneusement et tourne autour avec sa
charrue primitive. L'Européen, plus exigeant, ne veut pas perdre un
pouce de terrain; il lui faut, dans ses labours, des raies bien
droites: impitoyablement il se débarrasse du palmier-nain, dont les
peuplements reculent devant la colonisation.
L'idée d'utiliser le palmier-nain revient à un colon algérien, M.
Averseng, qui s'aperçut que la fibre extraite mécaniquement de la
feuille, après avoir été cordée, gardait bien la frisure et
pouvait avantageusement remplacer le crin animal dans presque tous
ses usages. Il installa à Toulouse une première usine assez
rudimentaire qui, en 1848, produisait 2.000 tonnes de crin
végétal. Peu d'années après, il entreprenait la fabrication en
Algérie. Il eut naturellement de nombreux imitateurs et la
fabrication prit rapidement un grand développement.
La production algérienne atteignait avant la guerre 45 à 50.000
tonnes; elle dépasse actuellement 60.000 tonnes, représentant une
valeur, à l'exportation, d'une soixantaine de millions de francs.
|
|
|
|
Une centaine d'usines et d'ateliers, employant 3.000 ouvriers, sont en mesure
de produire annuellement 150.000 tonnes. Quelques-uns sont très importants,
et l'on cite un établissement des environs d'Alger qui occupe près de 400
ouvriers.
La fabrication du crin végétal est assez simple, mais nécessite, pour être
économique, un outillage perfectionné qui permet d'effectuer toutes les
opérations dans le minimum de temps. La feuille est d'abord défibrée; puis
les fibres, après triage et séchage, sont parfois teintes en noir; la
dernière opération est le cordage en cordes de deux mètres.
Le produit obtenu est un succédané très employé du crin animal. Beaucoup
moins cher, il a sur lui l'avantage d'être inattaquable à la vermine. Teint
en noir, il lui ressemble à s'y méprendre presque. Son utilisation
principale est la literie (il remplace la laine dans la fabrication des
matelas bon marché), la sellerie, la bourrellerie et la tapisserie, où il
donne de très bons rembourrages. On peut également, avec la fibre, fabriquer
de la sparterie ou des cordes grossières. Le crin végétal, ou plus
exactement le palmier-nain, pourrait, prétend-on, servir à la production de
pâte à papier; mais c'est une utilisation qui n'est guère à retenir.
Le crin végétal est aujourd'hui de plus en plus demandé dans le monde
entier, et chaque année s'allonge la liste des pays clients de l'Algérie; on
citera, parmi eux : la France, qui achète 5.000 tonnes par an, l'Allemagne,
qui prend plus de 20.000 tonnes, pour ses besoins et ceux de l'Europe
Centrale, l'Italie, qui demande 15 à 20.000 tonnes, la Belgique, la Hollande,
l'Angleterre, les États-Unis, etc...
On peut se demander si, comme l'alfa, le crin végétal est appelé à un
grand avenir en Algérie. Au point de vue des débouchés, qui s'étendent de
plus en plus, on ne peut que s'attendre au développement de son industrie.
Mais l'approvisionnement en matière première se fait plus difficile, les
zones de dispersion du palmier-nain se réduisant au fur et à mesure des
défrichements et de la mise en culture des terres fertiles du Tell. C'est un
fait que cette industrie recule devant les progrès de la colonisation, que
les ateliers, localisés autrefois autour d'Alger, ont dû être reportés
vers l'intérieur, en Oranie en particulier, jusqu'à proximité de la
frontière marocaine, où la colonisation est encore peu importante.
|
|