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Mais encore faut-il ajouter que la forêt algérienne n'a souvent
rien de comparable avec la forêt française, avec la forêt
européenne d'une façon générale. Quelques peuplements, il est
vrai, rappellent les hautes futaies de nos pays, mais ils sont
rares. Le plus souvent ce ne sont, au milieu d'un taillis plus ou
moins épais ou de simples broussailles, que quelques bouquets
d'arbres, ou des arbres isolée; certains sont vigoureux, d'autres
sont malingres. Un simple maquis est parfois réputé forêt. Bien
plus qu'une formation végétale, la forêt est en Algérie une
entité administrative.
Il n'en reste pas moins que, mise en valeur dans ses peuplements les
plus denses et les plus accessibles, cette forêt peut fournir une
variété de produits assez considérable. Les essences qui la
constituent sont nombreuses : on y trouve, outre le chêne-liège,
plusieurs autres variétés de chênes (zéens, afarès, kermès,
chêne-vert), des pins, des cèdres, des thuyas. Mis en coupe, on
assure que ces peuplements pourraient fournir 350.000 tonnes de bois
d'œuvre et 100.000 tonnes de charbon de bois. L'Algérie, qui
importe 70.000 tonnes de bois d'œuvre, pourrait non seulement
satisfaire à ses besoins, mais encore peut-être devenir
exportatrice.
La mise en valeur des forêts est loin d'avoir atteint ce degré de
perfection : l'évacuation des produits est en effet difficile,
faute de chemins suffisants, et les frais de transports grèvent
souvent la marchandise de charges trop élevées. En présence dès
dépenses qu'aurait entraînées cette mise en valeur, l'État a
dû. aliéner une partie des forêts. Ce qui reste à l'État,
néanmoins, a été en grande partie mis en exploitation : les
coupes de bois sont amodiées à des particuliers, qui en extraient
30.000 mètres cubes de bois d'industrie, 150.000 stères de bois de
chauffage, 125.000 traverses de chemin de fer, cent vingt-cinq mille
perches, 2.000 tonnes d'écorces à tan et 20.000 tonnes de charbon.
Si l'on y ajoute les produits des forêts privées, pour lesquelles
les chiffres sont inconnus, on se rend compte cependant que
l'Algérie est en mesure de trouver sur place une partie des
produits forestiers qui lui sont nécessaires.
En dehors du liège, dont on a parlé plus haut, un des produits les
plus intéressants de la forêt algérienne, et qui alimente un
commerce d'exportation de 4 à 5 millions de francs, est l'écorce
à tan. De nombreuses essences algériennes sont en mesure de la
fournir : le chêne-liège, dont la partie interne de l'écorce est
tannifère - la partie |
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externe étant constituée par le liège, - le chêne-vert, le chêne kermès,
dont la racine fournit l'écorce amère ou garouille, le chêne zéen et le
pin d'Alep.
L'exploitation des écorces à tan fut longtemps, faute d'une législation
forestière suffisamment sévère, cause que bon nombre d'arbres furent
abattus et que les peuplements, non reboisés, diminuèrent progressivement.
On comptait que, de 1870 à 1877, les seuls ports de Bône, de Philippeville
et de Collo avaient embarqué, surtout à destination de l'Italie et de
l'Angleterre, plus de 50.000 tonnes d'écorce â tan de chêne-liège; plus
d'un million d'arbres avaient été détruits durant le même temps.
Cette exploitation ruineuse a heureusement pris fin depuis longtemps. Grâce
à une réglementation sévère des coupes de bois et du colportage des
produits forestiers, la production des écorces à tan est devenue plus
rationnelle. Elle est également moins élevée. Les exportations annuelles
atteignent 7.000 tonnes environ.
C'est surtout l'Italie qui profite de cette production; c'est elle, il faut le
dire, qui l'a fait naître; elle achète en Algérie, chaque année, 5.000
tonnes. La France vient ensuite, avec 500 à 1.000 tonnes. Les expéditions en
Belgique, bien que faibles (3 à 400 tonnes), sont régulières; bien moins
constantes, mais souvent plus considérables, sont celles à destination du
Portugal et de l'Angleterre.
Il est à prévoir que la demande en écorces à tan sera de plus en plus
importante. La production algérienne sera-t-elle en mesure d'y satisfaire ?
En dehors des écorces à tan, d'autres produits du sol algérien contiennent
du tanin en forte proportion: il suffirait de les exploiter rationnellement,
voire de multiplier les plantes qui les fournissent. Tels sont le tezera, le
retam, arbustes assez répandus, le takaout, galle produite par un insecte sur
un tamarix du Sahara; les tanneurs indigènes emploient ces produits; les
tanneries européennes pourraient les utiliser en grande quantité.
Une autre production intéressante en Algérie est celle des souches de bruyère.
Les forêts algériennes, et principalement celles de Kabylie, contiennent de
nombreux pieds d'une bruyère arborescente qui peut atteindre jusqu'à six
mètres de hauteur. Les souches sont formées d'un bois très serré, très
dur, employé dans la fabrication des pipes.
On estime à 4 ou 5.000 le nombre d'indigènes occupés à leur extraction.
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