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   est, la plupart du temps, le nomadisme; les populations sédentaires sont la minorité, elles sont établies dans des régions bien délimitées: la Kabylie et l'Aurès. Les autres n'ont pas de domicile fixe: tantôt elles se déplacent dans un rayon très faible, tantôt elles font chaque année des déplacements considérables. Est-ce le troupeau qui suit la tribu, ou la tribu qui suit le troupeau? Il semble que le dernier cas soit la vérité.
Pour l'indigène, en effet, le bétail est la principale ressource, à des degrés différents, bien entendu, selon les régions. Il se nourrit du lait et de la viande; avec la laine ou les poils, il tisse des vêtements, des tapis, des tentes; la peau lui sert à confectionner des chaussures, des courroies, des harnachements. Ce qu'il n'utilise pas, il le vend, pour se procurer les rares produits qui lui manquent: des dattes, du grain, quelques outils. Son troupeau est donc sa véritable richesse. Que, dans certaines régions particuliè­rement fertiles, il se livre par surcroît à la culture, cela n'a rien d'étonnant; mais, bien souvent - et cela se produit chez les grands nomades - l'indigène ne possède pas de champ sème là où il se trouve, là où la tribu s'est momentanément installée; une fois terminée la récolte, la tribu part vers d'autres destinations.

 Car le climat de l'Algérie est tel qu'il rend presqu'obligatoire la transhumance des troupeaux. Les longues périodes de sécheresse, en particulier sur les Hauts-Plateaux et dans le Sahara, est cause que la végétation s'appauvrit très rapidement et que les pâturages, des le milieu de l'été, parfois même avant, ne sont plus en mesure de nourrir les animaux. Il est donc indispensable que les troupeaux soient conduits dans des régions plus fortunées, où les parcours contiennent encore quelques pousses d'herbe: les tribus des vallées et des plaines s'en iront, l'été, en montagne, les tribus du Sud, délaissant leurs pâturages desséchés, remonteront vers le Nord; d'autres iront de l'Est à l'Ouest, d'autres de l'Ouest à l'Est. Si bien qu'on assiste à une migration continue, d'un point à l'autre de l'Algérie, de populations entières. Il n'est pas jusqu'aux sédentaires qui n'iront estiver en montagne, où la fonte des neiges ou des pluies plus abondantes nourrissent une végétation abondante. Et, en automne, tous rejoindront leur point de départ, où ils retrouveront les pâturages reconstitués.
La chose n'est pas particulière à l'Algérie. Tous les pays qui jouissent d'un climat méditerranéen, humide en hiver, sec en été, enregistrent cette transhumance. En France ne
      

voit-on pas, à la fin du printemps, les moutons de la Crau gagner les pâturages des Alpes ? N'assiste-t-on, pas, en Corse, à cette migration des populations du littoral vers les montagnes ?
Mais ce qui se pratique sur une petite échelle en France revêt parfois, en Algérie, une ampleur remarquable. Des tribus du Sud effectuent parfois, de leur point d'hivernage à leur région d'estivage, des parcours de plusieurs centaines de kilomètres: les Laarba, par exemple, qui, partis de plus loin qu'Ouargla où ils ont hiverné, remontent jusqu'à l'Ouarsenis, couvrent deux fois dans l'année un parcours de plus de 500 kilomètres.
Dans ces transhumances continuelles, il est évident que les animaux ne peuvent être abrités. Ils vivent toujours en plein air, soumis à toutes les intempéries. Si des tempêtes surgissent, ou des froids rigoureux, la mortalité est considérable. Pour les garantir du froid, les bergers n'ont trouvé qu'un moyen: les maintenir en mouvement, même la nuit, les faire tourner en rond. Et si, par surcroît, l'été a été sec, réduisant à rien les pâturages, les animaux, amaigris, sans résistance, meurent par milliers: pour plusieurs années, le troupeau est compromis.
 
On conçoit qu'un tel régime, s'il a l'inconvénient de maintenir le cheptel à un taux plutôt faible; a eu toutefois l'avantage de créer des animaux d'une grande rusticité, d'une endurance à toute épreuve, qui supportent avec aisance les fatigues et les privations. A cet égard, le troupeau algérien est remarquable; amélioré, il peut donner des produits supérieurs.
Il existe, il est vrai, dans les populations sédentaires, un élevage un peu moins pénible pour les animaux: l'hiver, ceux-ci sont gardés à l'étable, et ne vivent au pâturage que le printemps venu. Encore ce régime est-il loin d'être parfait : les étables sont sales, étroites, mal aérées, et la nourriture est réduite à fort peu de choses, des feuilles et des brindilles, en quantité insuffisante.
 
La répartition de ce troupeau, suivant les espèces, est fonction de la végétation dont il peut disposer: au Nord, dans le Tell, où existent souvent de belles prairies, où les animaux, la moisson terminée, peuvent pacager dans les chaumes, on rencontre les espèces les plus exigeantes bœufs, chevaux, , avec quelques moutons. Sur les Hauts­Plateaux et dans le Sahara où ne pousse qu'une maigre végétation vite épuisée, des broussailles, un peu d'herbe tendre sous les touffes d'alfa, ce sont les moutons, les chameaux,

 
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