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   pastorale, ou simplement une diminution passagère due à une série d'années calamiteuses ? Il est assez difficile de se prononcer.
Quoi qu'il en soit, il est évident que, dans la période qui a suivi la guerre, une série de mauvaises années ont été néfastes pour le troupeau : 1920, 1922 et 1926 furent particulièrement défavorables. De 1919 à 1921, le troupeau perdait 2.200.000 têtes, de 1921 à 1923, près d'un million, soit un total, en quatre années, de plus de 3 millions de têtes. Pour se rendre compte, toutefois, de la rapidité avec laquelle le troupeau se reconstitue, on dira que, de 1923 à 1925, on enregistrait un gain de plus de 1.100.000 animaux.
 
Il est assez difficile de donner une répartition de ce troupeau: on ne peut, en raison des différents mouvements migrateurs, très importants, qui le font passer d'un département dans un autre, des Territoires du Sud dans les départements du Nord, donner une idée exacte de sa situation générale. Il est possible, toutefois, d'indiquer cette répartition pendant l'hivernage, époque pendant laquelle sont effectués les recensements. On compte, à ce moment, 1 million d'animaux dans le département d'Alger, 1.500.000 à 1.600.000 dans le département d'Oran, 1.700.000 dans celui de Constantine, près de 2 millions dans les Territoires du Sud. On arrivait, au dernier recensement, à un total de 6.200.000 moutons. Ce chiffre est bas, mais le troupeau, très éprouvé à la fin de 1926, ne se reconstitue que lentement, à raison de 7 à 800.000 têtes par an; nul doute que, si les conditions sont encore favorables pendant plusieurs années, on arrivera en peu de temps, trois ou quatre ans peut-être, au chiffre de 8 millions qui constituait la moyenne avant la guerre. N'a-t-on pas vu, de 1881 à 1891, soit en dix années, le troupeau passer de 6 à 11 millions de têtes ?
 
L'élevage du mouton, comme d'ailleurs les autres élevages, n'intéresse guère le cultivateur européen. C'est à tort peut-être qu'il néglige cette source de revenus si précieuse dans l'agriculture française : le mouton, et surtout le mouton algérien, est en effet d'un entretien peu difficile, il se contente d'une nourriture précaire et vit très bien dans les chaumes et les pacages maigres; il donne, au surplus, un fumier abondant; et ce n'est pas peu de chose dans une exploitation agricole; enfin, sans être un gros supplément de dépense, il fournit une masse de produits d'une venté rémunératrice: laine, viande, peau, lait, tout cela trouve un débouché illimité, à une époque surtout où le troupeau ovin
      

diminue en France et ne s'accroît pas, dans le monde, dans la même proportion que les besoins.
Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas en Algérie d'éle­vages européens. Il y en a au contraire de fort bien tenus, airs ils sont rares. Les sept centièmes du troupeau - cette proportion a peu varié depuis fort longtemps - sont entre les mains des Européens. Sur ces 4 à 500.000 animaux, quelques-uns appartiennent à des races importées de France, d'autres sont les produits de croisements de ces races avec les races indigènes. Ces croisements ont donné de bons résultats, sans doute, mais les animaux se montrent en général moins résistants que leurs congénères du pays; il leur faut, en hiver, vivre à l'étable; quant à leur faire endurer les mêmes fatigues, il n'y faut pas songer.
 
Aussi n'est-ce pas l'élevage complet que pratique, dans la majorité des cas, le colon. Il se contente d'acheter, à la fin de l'hiver, sur les marchés indigènes, des animaux maigres qu'il engraisse pendant le printemps, ou sur ses chaumes au début de l'été; puis il les livre à la boucherie ou à l'exportation. Parfois il achète des brebis pleines et se livre à la production d'agneaux de lait. Mais, dans un cas comme dans l'autre, son rôle se borne à celui d'intermédiaire entre l'éleveur indigène et la consommation: ce n'est pas de l'élevage, c'est en quelque sorte une industrie.
Le mouton indigène se prête admirablement à l'engraissement; il n'a pas, évidemment, les qualités bouchères de certaines races européennes, son rendement en viande n'est pas élevé, mais, accoutumé à vivre de peu, il profite rapidement d'une alimentation abondante: il suffit de quelques mois, de quelques semaines, pour faire d'un animal efflanqué, exténué par des marches de centaines de kilomètres, un animal bien en chair, apprécié par la boucherie métropolitaine.
Car le mouton algérien trouve en France un très important débouché. L'Algérie expédie en France chaque année, d'avril à octobre, le dixième environ de son troupeau ovin, plus de 600.000 têtes actuellement, certaines années le double. C'est, pour la Métropole, un sérieux appoint, car son cheptel ovin, qui comptait autrefois 15 millions de têtes, n'en compte plus qu'une dizaine de millions; c'est, pour l'Algérie, un énorme profit: 100 à 200 millions de francs par an. 10 à 15 millions de kilos de viande nette sont ainsi expédiés en France, où ils sont consommés sur les principaux marchés, de Marseille, de Lyon, de Paris, et jusque dans le Nord et l'Est.

 
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