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La hideuse mutilation d'un cadavre français, lui sert de stimulant ; Boucetta, qui a des vengeances à exercer dans sa patrie, se charge d'en diriger les coups. Quatorze vieillards, femmes ou enfants, sont massacrés chez le cadi avec un stupide sang-froid ; soixante autres ne doivent la vie qu'à l'énergique intervention des officiers. La population entière périt ou s'exile à jamais.

On gagne pourtant du terrain. Le marabout de Sidi-Touati et la porte Fouka, dont on ignorait l'existence, sont enfin occupés. En murant cette porte et en élevant à la hâte un blokhaus sur l'emplacement futur du camp retranché supérieur, on devient maître de l'entrée du ravin, et l'on se ferme dans la ville.

Au milieu de ces luttes énergiques, le lieutenant d'artillerie d'Oriac est frappé mortellement ; le général Trézel reçoit une blessure, il demeure à son poste.

Pendant la nuit du 2 au 3 octobre ; Boucetta se mêlait aux travailleurs, lorsqu'un soldat du 59e le prit pour un Kabyle, et, d'un coup de fusil, l'étendit raide mort. Cette fin tragique nous fut sensible, tant à cause des services qu'un homme si déterminé pouvait nous rendre encore, qu'en vue de la réprobation dont elle sembla frapper ceux qui l'imiteraient par la suite. Les Musulmans y virent le doigt de Dieu, et comme le cadavre du malheureux Bougiote, inhumé trop négligemment, dans cette époque de précipitation, resta découvert en partie, les fanatiques s'écrièrent que sa terre natale qu'il avait livrée à l'ennemi le rejetait elle-même de son sein.

On était maître de la ville (1). Restait à s'emparer des positions qui la commandent de plus près. Le 3, celles des tours et des ruines sont enlevées par quelques compagnies. Une petite colonne est lancée sur le Gouraya, mais la masse considérable 

 

(1) Voir la note A.

    

 

   
de Kabyles qui s'y est concentrée l'écrase de ses feux plongeants, et l'oblige à la retraite. Cent marins de la Victoire viennent l'appuyer fort à propos. Les pertes ne se montent qu'à quatre hommes tués et onze blessés, dont trois officiers.

Le 5 octobre, arrivent d'Alger deux bateaux à va peur, le Crocodile et le Ramier : ils débarquent le colonel du génie Lemercier, un bataillon du 4e de ligne, deux compagnies du 2e bataillon d'Afrique, des munitions et du matériel pour la défense. Ces renforts pouvaient ne plus paraître indispensables, puisque Bougie était à la rigueur entre nos mains, et qu'après s'y être affermi, on eût enlevé le Gouraya tôt ou tard, ne fût-ce que par surprise ; mais ils n'étaient pas moins de la plus grande utilité, pour accélérer l'installation et opposer aux attaques des Kabyles une résistance capable de les décourager.

L'ennemi continuait d'occuper en force le village de Dar-Nassar, le moulin de Demous situé en avant, et les crêtes du Gouraya. De ces points, il contrariait nos moindres mouvements en dehors de la ville. Le 6, on s'était emparé avec peine de la position de Bou-Ali pour la couronner d'un blokhaus ; le lieutenant du génie Mangin, en dirigeant cette opération, avait été frappé d'un coup mortel.

Chaque jour, c'était une fusillade nouvelle à soutenir tout le long des remparts, soit du côté de la montagne, soit du côté de la plaine. On se trouvait comme assiégé. Le général Trézel arrête le projet d'une vigoureuse offensive. Elle s'exécute le 12 octobre.

Longtemps avant le jour, deux colonnes sont sorties de la ville ; elles gravissent en silence les pentes du Gouraya, n'éprouvent à sa partie supérieure qu'une faible résistance de la part des Kabyles surpris et en trop petit nombre ; enfin, convergeant au sommet, elles prennent possession du marabout de 

 
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