fois dépouillé du prestige que
vous tiriez de nous, ils ne vous regarderont même pas. Quant
à nous, n'imaginez pas que jamais nous vous recevions en
grâce. Une leçon suffit au sage. "
Pendant que l'inquiétude relâchait ainsi les liens de
l'amitié fraternelle, d'autres causes préparaient un coup
plus sensible au cœur de Ben-Salem ; et là, l'influence
française ne devait figurer qu'au dénouement.
Ben-Salem avait un fils âgé d'environ dix-huit ans ; il
l'élevait avec sévérité et refusait de le marier à sa
jeune cousine dont il était épris, prétendant lui faire
consacrer encore des années entières à l'étude des livres
saints. Ce jeune homme, qu'un goût vif entraînait vers la
chasse, les femmes et tous les plaisirs, prit la résolution
de se soustraire à l'autorité paternelle. Il s'entendit avec
un jeune taleb appelé Badaoui, dont le père habitait
Alger, et leur fuite en commun fut concertée.
Si Badaoui sollicita d'abord de Ben-Salem la permission
d'aller au marché des Flissas et l'obtint ; mais, au lieu de
s'y rendre, il prit la route de Dellys ; il s'arrêta la nuit
en un lieu convenu où le jeune Ben-Salem ne tarda point à le
rejoindre après s'être évadé. Les fugitifs s'acheminèrent
alors à grands pas et droit sur le Fondouk ; ils se rendirent
entre les mains du caïd El-Arbi, ancien ami de leur famille,
qui avait reçu l'investiture des Français : celui-ci
s'empressa de les amener à Alger. Tout heureux que fut
l'incident, il y causa quelque embarras ; la persistance de
Ben Salem à repousser nos ouvertures indirectes détermina
l'autorité à envoyer le fils en France, pour y finir son
éducation sous l'empire de faits et d'idées propres à nous
l'attacher un jour. Son compagnon devint khodja
(secrétaire) à la direction central centrale des affaires
arabes.
Au premier bruit de cette fuite, les Kabyles ; ombrageux
comme
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