Quelques troubles intérieurs
retardent d'abord l'exécution de cet ordre ; plus tard, c'est
le blâme violent d'une partie de la chambre élective et de
la presse contre toute entreprise militaire dirigée dans ce
but. Mais ni l'opinion intime du cabinet, ni celle du
gouverneur de l'Algérie n'en paraissent modifiées ; ils
reculent, l'un comme l'autre, devant l'idée d'admettre, à
vingt lieues de la capitale algérienne, l'existence d'une
enclave indépendante qui peut servir sans cesse d'exemple aux
fanatiques, de refuge aux malfaiteurs, de base d'opérations
à un ennemi plus sérieux. Comme il appartient à la
prérogative royale de trancher, sans le concours des pouvoirs
législatifs, toute question de paix ou de guerre, la
conquête de la Kabylie n'en poursuivra pas moins son cours,
malgré certaines difficultés parlementaires dont il n'est
pas indispensable que nous nous occupions ici.
Pendant toute l'année 1843, l'éveil fut donné plusieurs
fois aux Kabyles, tantôt par la rumeur publique, tantôt par
des préparatifs faits au grand jour. Le mystère, en cette
occurrence, n'était pas de saison ; car ne pouvant compter
sur une surprise absolue, au moins par une longue attente on
fatiguait les tribus menacées, on exposait leur ligue à
toutes les chances de discorde inhérentes à sa nature ; en
outre, l'effet moral de nos victoires précédentes, aux mains
d'une politique adroite, pouvait, avant le commencement même
de la lutte, détacher quelques soumissions volontaires.
Le temps ne manqua donc point aux Kabyles pour se mettre en
état de défense ; mais comme nous venons de le faire
observer, ce temps, si précieux chez des peuples organisés,
devient souvent, au sein des masses tumultueuses, un principe
de dissolution. Là, l'extrême liberté produit
l'indiscipline ; les rivalités intérieures engendrent la
défiance ; l'expectative d'un danger, qui n'est pas le même
pour tous, établit des nuances dans les intérêts au lieu de
les fondre en un seul : chacun pense à soi, personne à la
patrie.
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