Chaque année, sans se lasser, M.
Cambon proposait au gouvernement quelque combinaison nouvelle
et chaque année l'occupation des oasis était ajournée. A
défaut d'une expédition que le gouvernement interdisait, on
s'efforça d'utiliser certaines influences. En 1891, M. Cambon
fit venir du Maroc à Alger le vieux chérif d'Ouezzan,
Moulay-Abdes-Selam, et l'envoya dans le Touat, où il mit à
notre service son prestige religieux. En 1892, le gouverneur
général, en compagnie du général Thomassin, se rendit à
El-Goléa et y reçut les hommages du chef de la grande
famille des Ouled-Sidi-Cheikh, Si-Kaddour, qui, depuis la fin
de l'insurrection, s'était tenu à l'écart sur les confins
du Maroc; on essaya de reprendre avec ce personnage la
politique qui nous avait donné jadis, avec le concours de son
père Si-Hamza, le sultanat d'Ouargla. Les travaux du chemin
de fer de Djenien-bou-Rezg, le long de la frontière
marocaine, furent activés. Quelques bordjs fortifiés
jalonnant la route des oasis sahariennes furent construits au
delà de nos possessions, à Hassi-Inifel sur l'Oued Mya, à
Hassi-bel-Haïrane (Fort-Lallemand) dans le couloir de l'Igharghar,
à Hassi-Chebaba (Fort-Miribel) et à Hassi-el-Homeur (Fort-Mac-Mahon)
au Sud et au Sud-Ouest d'El-Goléa. Le général de La Roque,
qui commandait à Constantine, prit contact avec les Touaregs
; une délégation conduite par Abden-Nebi, petit-neveu de
Cheikh-Othman, l'ami et le fidèle compagnon de Duveyrier, se
rendit à Alger.
Les rapides progrès de la domination française dans
l'Afrique occidentale contribuaient à resserrer autour du
désert les deux branches de l'étau. En 1895, Tombouctou
était occupée; en 1898, un administrateur algérien,
Coppolani, entreprenait en Mauritanie une campagne de
pacification; une "course au lac Tchad "
s'organisait de 1892 à 1897, avec les missions Crampel,
Dybowski, Maistre, Gentil. Les conventions franco-anglaises de
mars 1898 et de juin 1899 achevaient la délimitation du
Sahara, attribuant à la France tout l'arrière-pays, y
compris l'Ouadaï et le Tibesti (1). Le Soudan français
devenait ainsi dans toute son étendue limitrophe du Sahara,
dont la pacification devenait pour lui comme pour l'Algérie
un important problème.
En 1898, l'explorateur Foureau, avec une escorte de 300
hommes placée sous les ordres du commandant Lamy, reprenant
le plan de Flatters dans des conditions meilleures et qui
assurèrent le succès, réussissait à traverser le Sahara
par le pays des Azdjer et l'Aïr et aboutissait au Tchad, où
il opérait sa jonction avec la mission Gentil qui venait du
Congo et du Chari, et avec la mission Joalland-Meynier, qui
avait succédé à la mission Voulet-Chanoine et s'était
avancée du Niger au Tchad. |