Nous voici parvenus au grand évènement qui fixa les
destinées de l'Algérie : la rupture du traité de la Tafna.
Cette rupture était dans l'essence même des choses.
Qu'Abd-el-Kader, en vue d'accroître et de régulariser ses
forces, d'amasser des ressources et de récolter des impôts ;
que le gouvernement français, pour ne point engager l'avenir,
pour faciliter, avant tout, son expédition de Constantine ;
que ces deux contractants, disons-nous, eussent, dans leur
intérêt du jour, signé le traité de la Tafna, rien de plus
naturel : mais compter de part ou d'autre sur une observance
prolongée de ces clauses, c'eût été méconnaître les
instincts de race et de foi qui, là, se trouvaient en
présence.
Quel était pour chacun le but suprême ? Abd-el-Kader n'en
voyait d'autre que l'extermination ou l'expulsion des
infidèles qui usurpaient la terre musulmane. La France, sur
cette même terre, prétendait implanter ses enfants et sa
civilisation. Il fallait bien que, tôt ou tard, ces deux
pensées, en se heurtant, fissent jaillir la guerre. Mais une
dissemblance fondamentale signalait leurs allures. Celle de la
France pouvait affecter une marche lente et graduelle, tandis
qu'au contraire l'émir n'était pas toujours maître de
régler la sienne. |