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CHAPITRE VI.

 

 
GOUVERNEMENT DE BEN-SALEM.
 
(1839. -1843. )
 

 
- I. Rupture de la paix. - II. Les Kabyles dans la Mitidja.
- III. Embarras de Ben-Salem. - IV. Destruction de Bel-Kraroube.
 

Nous voici parvenus au grand évènement qui fixa les destinées de l'Algérie : la rupture du traité de la Tafna. Cette rupture était dans l'essence même des choses.

Qu'Abd-el-Kader, en vue d'accroître et de régulariser ses forces, d'amasser des ressources et de récolter des impôts ; que le gouvernement français, pour ne point engager l'avenir, pour faciliter, avant tout, son expédition de Constantine ; que ces deux contractants, disons-nous, eussent, dans leur intérêt du jour, signé le traité de la Tafna, rien de plus naturel : mais compter de part ou d'autre sur une observance prolongée de ces clauses, c'eût été méconnaître les instincts de race et de foi qui, là, se trouvaient en présence.

Quel était pour chacun le but suprême ? Abd-el-Kader n'en voyait d'autre que l'extermination ou l'expulsion des infidèles qui usurpaient la terre musulmane. La France, sur cette même terre, prétendait implanter ses enfants et sa civilisation. Il fallait bien que, tôt ou tard, ces deux pensées, en se heurtant, fissent jaillir la guerre. Mais une dissemblance fondamentale signalait leurs allures. Celle de la France pouvait affecter une marche lente et graduelle, tandis qu'au contraire l'émir n'était pas toujours maître de régler la sienne.

    

 

   
En effet, on l'avait proclamé sultan à cause des prophéties qui l'appelaient à relever l'empire de l'Islam. C'était au nom de la guerre sainte qu'il avait obtenu l'obéissance générale, qu'il avait recueilli des impôts très-considérables ; et, néanmoins, on attendait encore l'exécution de ses promesses. Aussi commençait-on à l'accuser d'avoir organisé des troupes régulières, plu tôt pour asservir les musulmans que pour combattre les chrétiens. Se sentant débordé par l'opinion publique, Abd-el-Kader avait convoqué, à Taza, une grande assemblée de tous les chefs influents du pays, et le résultat des délibérations avait été de ne point rompre encore la paix, par égard pour la foi jurée, mais de courir aux armes sitôt que les chrétiens auraient donné l'exemple de la violation ; c'est-à-dire qu'on n'attendait plus qu'un prétexte. Il éclata en Kabylie.

Après le départ de l'émir, Ben-Salem s'était remis à l'œuvre contre les insoumis de son gouvernement. La petite ville d'Hall-el-Ksar, située en-deçà des Bibans, à une journée est de Hamza, avait reçu de lui trois lettres consécutives. Les deux premières qui réclamaient l'achour et la zeccat en retard, étaient demeurées sans réponse. A la troisième contenant des menaces très-énergiques, les gens du Ksar avaient fait partir un des leurs, chargé de dire au khalifa seulement ces paroles : " Mets dix balles dans ton fusil, et viens combattre. "

L'insolence de cette bravade, exigeait un exemple ; Ben-Salem, pour mieux l'assurer, avait demandé du secours à son maître. Six cents réguliers de Ben-Allal étaient venus le renforcer. Avec cette troupe, la sienne et les contingents des tribus qu'il avait réussi à attirer par l'appât du sac d'une ville, il était allé faire le siège du Ksar et de plusieurs redoutes élevées à l'entour. On avait combattu, parlementé ; puis on avait repris les armes : les conditions du khalifa semblaient trop dures. Enfin, dans un dernier engagement, Ben-Salem étant parvenu à attirer l'ennemi hors de ses postes retranchés, les réguliers sortis d'une embuscade avaient escaladé les redoutes et pris possession de la ville avant 

 
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