Son amour-propre, si souvent et
si imprudemment froissé par Abd-el-Kader, nous assurait sa
fidélité. L'ancien agha des Beni-Slyman allait être nommé
khalifa de Sebaou. A peine cette détermination fut-elle
connue que tous les Beni-Slyman, les Aribs, les Beni-Djâd,
poussés par leurs chefs envieux, se ruèrent en masse vers la
tente du Gouverneur-Général.
C'était un effrayant pèle-mêle de burnous : " Nous
ne voulons pas de Ben Mahy-ed-Din ! criait-on de toutes parts
; il nous a ruinés par les impôts ; il ne vaut pas mieux que
les Salem, pas mieux qu'Abd-el-Kader ; il te trahira, car il
les a servis jusqu'à la fin! "
Les plus mutins, les mieux soudoyés peut-être,
demandaient sa tête et la ruine de son bordj-el-had. Ben
Mahy-ed-Din, assis sur une pierre à quelques pas de la tente
du Gouverneur-Général, semblait seul étranger à ce
tumulte.
Ce n'était là, au reste, que l'explosion sauvage et
brutale d'une populace jusqu'alors énergiquement dominée, et
cherchant à briser celui qui seul pouvait la dominer encore.
Le Gouverneur-Général le comprit, imposa d'un geste
silence à la foule et lui cria : " Je n'accepte pas les
raisons que vous me donnez pour refuser Ben Mahy-ed-Din ; car
s'il a servi son maître jusqu'à la fin, il a fait acte
d'honnête homme. Ce que vous craignez ce n'est point qu'il me
trahisse, mais qu'il vous maintienne comme il l'a déjà fait.
De gré ou de force vous l'accepterez pour khalifa, et je vous
ordonne de le reconnaître à l'instant. "
Alors se passa une scène caractéristique de mœurs
arabes.
A peine le général Bugeaud eût-il prononcé ce dernier
mot, avec l'impérieuse énergie qu'on lui connaît, que les
plus acharnés,
|