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CHAPITRE VII.

 

 
RIVALITÉ DES DEUX KHALIFAS du Sebaou.
 

 
I. Ben Mahy-ed-Din khalifa du Sebaou. - II. Ses premiers actes. - III. Décadence de Ben-Salem. - IV. Son homélie adressée aux tribus.
 

I.

 
Le lendemain du combat de l'Oued-Soufflat, et pendant que Bel-Kraroube tombait en ruines, Si Mohammed-ben-Mahy-ed-Din vint se présenter au camp français. Sa visite était attendue ; déjà même il avait fait acte de soumission, pour une partie des Beni-Slyman, au commandant de Médéah. Mais la présence et un premier succès du Gouverneur lui avaient paru nécessaires pour entraîner le reste de ses tribus. En outre, il pressentait instinctivement que son heure était enfin venue. Plutôt homme d'ordre que de poudre, il sortait avec joie d'une époque de violence pour entrer dans l'ère de la loi, de la justice et de la stabilité. Ses talents administratifs l'appelaient à y jouer un beau rôle ; car les Arabes, sous ce rapport, le plaçaient immédiatement après Abd-el-Kader lui-même.

Le Gouverneur-Général sonda rapidement la portée de Ben Mahy-ed-Din. Un effectif insuffisant ne lui permettait pas d'occuper Bordj-Hamza, et il fallait imposer aux populations un homme capable de balancer, sinon d'anéantir le reste d'influence que Ben-Salem conservait, encore sur elles. Cet homme ne pouvait être que Ben Mahy-ed-Din.

    

 

   
Son amour-propre, si souvent et si imprudemment froissé par Abd-el-Kader, nous assurait sa fidélité. L'ancien agha des Beni-Slyman allait être nommé khalifa de Sebaou. A peine cette détermination fut-elle connue que tous les Beni-Slyman, les Aribs, les Beni-Djâd, poussés par leurs chefs envieux, se ruèrent en masse vers la tente du Gouverneur-Général.

C'était un effrayant pèle-mêle de burnous : " Nous ne voulons pas de Ben Mahy-ed-Din ! criait-on de toutes parts ; il nous a ruinés par les impôts ; il ne vaut pas mieux que les Salem, pas mieux qu'Abd-el-Kader ; il te trahira, car il les a servis jusqu'à la fin! "

Les plus mutins, les mieux soudoyés peut-être, demandaient sa tête et la ruine de son bordj-el-had. Ben Mahy-ed-Din, assis sur une pierre à quelques pas de la tente du Gouverneur-Général, semblait seul étranger à ce tumulte.

Ce n'était là, au reste, que l'explosion sauvage et brutale d'une populace jusqu'alors énergiquement dominée, et cherchant à briser celui qui seul pouvait la dominer encore.

Le Gouverneur-Général le comprit, imposa d'un geste silence à la foule et lui cria : " Je n'accepte pas les raisons que vous me donnez pour refuser Ben Mahy-ed-Din ; car s'il a servi son maître jusqu'à la fin, il a fait acte d'honnête homme. Ce que vous craignez ce n'est point qu'il me trahisse, mais qu'il vous maintienne comme il l'a déjà fait. De gré ou de force vous l'accepterez pour khalifa, et je vous ordonne de le reconnaître à l'instant. "

Alors se passa une scène caractéristique de mœurs arabes.

A peine le général Bugeaud eût-il prononcé ce dernier mot, avec l'impérieuse énergie qu'on lui connaît, que les plus acharnés,

 
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